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mercredi 7 octobre 2015

Ren Hang, morphologie de l'amour !

Ren Hang, morphologie de l'amour !

Ren Hang,

A voir aux « Rencontres de la Photographies », 2015, Arles, dans la section « Off » avec la galerie Nicolas Hugo.
Ren Hang est un photographe chinois héritier évident de Nan Golding et de Nobuyoshi Araki.
Il met en scène de manière dépouillée et à la façon d'instantanés des corps nus qui sont autant de phantasmes quelque fois morbides mais toujours remplis de dérision.

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On peut voir l'influence des Réalistes Cyniques, d'un Ai Weiwei dans l'art de la provocation mais aussi le désabusement plus ou moins désespéré et sardonique de Yue Minjun.
Pour Ren Hang pratiquer ce type de photographie mettant en scène la sexualité sans apprêt, ni érotisme est une démarche plutôt téméraire en Chine. D’ailleurs ses travaux sont pour la plupart interdits d’exposition en Chine. Il n’est pas publié et a été arrêté à plusieurs reprises.
Pourtant assez paradoxalement les images représentant sans détour la sexualité ou les organes génitaux semblent totalement dénuées de désir.

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C’est précisément ce qu'il y a d'assez surprenant dans ces mises en scènes. Elles sont très distanciées sans empathie avec les modèles qui d'ailleurs sont souvent inexpressifs ou sans identité car privés de visage.
Pourtant Ren Hang ne travaille qu’avec ses proches ou amis et prétend ne pas planifier les séances de prise de vue. Et en effet, il y a dans les cadrages, et les poses une évidente spontanéité. Cependant la lumière crue et plate donne à l’ensemble un aspect froid. Les corps en situation ne participent pas, ils sont comme les travaux d’un entomologiste érotomane.

Ren Hang,
« I like to portray every organ in a fresh, vivid, and emotional way. »

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Jenny Saville, du corps féminin à l'origine du monde.


Jenny Saville, du corps féminin à l'origine du monde.

Jenny Saville (née en 1970),

Est une artiste peintre d’origine écossaise. Dès ses débuts elle a été suivie comme beaucoup d’autres artistes anglais de la Young British Artists par Charles Saachi, puis son œuvre s’est très rapidement imposée dans le champ de l’art contemporain.

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La question du genre :
Les débuts de Jenny Saville ont été très marqués par une approche revendicative et féministe qui cherchait dans la représentation du corps féminin à se détacher du modèle social phallocentrique. Modèle qui soumet la femme à une représentation d’elle-même particulièrement coercitive.
Dans son approche du genre et de la représentation du corps de la femme Jenny Saville a, de son propre aveu, été très influencée par Cindy Sherman, l’artiste conceptuelle qui interroge à travers photographies et « happening » la représentation de la femme dans la société moderne.
Les sources d’inspiration :
Jenny Saville pour réaliser ses nus utilise d’ailleurs toute une grande variété de sources, Il y a les références artistiques évidemment. On peut voir des liens avec Rembrandt, Rubens, Soutine, Francis Bacon et Lucian Freud. Concernant ce dernier on pense évidemment aux fameux portraits de Leigh Bowery et à ceux de Sue Tilley.
Mais Jenny Saville s’est aussi beaucoup intéressée à la chirurgie esthétique et aux images médicales. Une de ses œuvres « Plan » (1993) représente d’ailleurs une femme en contre-plongée qui nous observe, et porte sur tout le corps les marques préopératoires de possibles chirurgies esthétiques susceptibles de la ramener dans la norme. La chirurgie esthétique intéresse donc Jenny Saville pour le travail normatif qu’elle opère sur les chairs, mais aussi pour leur plasticité qu’elle met en évidence. Il y a là à la fois une dénonciation et une fascination. Par conséquent les deux versants sont présents: la picturalité baroque et monumentale des chairs d’une part et la mise en question du genre et de la normalité d’autre part.

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Le nu féminin libéré :
Une des premières œuvres de Jenny Saville, « Propped » (1992), est très représentative de cette tendance. En effet, cette toile de dimension imposante et inhabituelle dans le registre du nu féminin représente une femme, plutôt obèse, perchée sur un tabouret très haut et filiforme où le modèle semble être dans un équilibre précaire. La dissonance des masses et les fuyantes exagérées accentuent l’allure imposante et presque intimidante du modèle. Le cadrage est vu de dessous et cette femme monumentale au corps, aux chairs excessives, nous surplombe en nous regardant de manière assurée. Le visage du modèle - comme ce sera souvent le cas par la suite - est celui de Jenny Saville. En effet, Jenny Saville a toujours considéré son travail comme éminemment autobiographique. Elle parle du corps féminin et de son corps à elle. En outre, elle dit vouloir créer par cette appropriation d’un corps autre que le sien une empathie avec le regardeur, notamment les autres femmes. Il y aussi selon ses propres dires une volonté de briser le modèle habituel du nu. C’est-à-dire la tradition de la relation de l’artiste actif, qui analyse et représente ce qu’il observe, et du modèle passif qui au mieux fait acte de présence, essaie d’être là. Jenny Saville en étant peintre et modèle veut casser la logique de l’objectivation du corps féminin en étant à la fois le modèle et le portraitiste.
Elle proclame ainsi son engagement dans cette reterritorialisation. L’artiste peintre cite une phrase de Luce Irigaray, une écrivaine féministe de renom. Le texte est celui-ci : «“If we continue to speak in this sameness, speak as men have spoken for centuries, we will fail each other again. ». Il est donc bien question de réappropriation du corps féminin par les femmes elles-mêmes.

La monumentalité des chairs:
« The process of the making is the subject. » _ Jenny Saville.
Dans cette toile néanmoins apparaît immédiatement ce qu’il y a de vraiment personnel chez Jenny Saville et qui ne se limite pas à une démarche politique ou sociale. D’emblée Jenny Saville montre son « obsession » pour la masse des chairs, leur gravité ainsi que l’élasticité/plasticité de l’épiderme qui semble avoir de la peine à maintenir cette abondance de matière. Elle exhibe la monumentalité, certes inscrite dans un engagement et un souci de réappropriation du corps de la femme, mais aussi et plus spécifiquement la monumentalité comme pure expression picturale.

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Le corps comme un paysage :
« Main of my work has a landscape quality. » _ Jenny Saville.
La façon dont Jenny Saville peint les corps tend donc dès le début de sa carrière d’artiste peintre vers une forme d'abstraction gestuelle qui aboutit à traiter le corps comme un volume. Elle monumentalise le modèle non seulement par les proportions picturales - les toiles sont toujours gigantesques - mais aussi par le traitement des masses dont ces corps excessifs et assurés sont le « prétexte ». La plasticité des chairs permet de travailler la toile peinte comme une sculpture en traitant les masses colorées comme des volumes. Les corps sont comme des paysages de chairs donnant lieu à une peinture sculpturale, qui cherche les masses, les ombres, les failles et les blancs. Les parties lumineuses sont traitées comme des crêtes de paysage.
Le « Torso » est un autre bon exemple de ce traitement des chairs comme un paysage de masses charnues: cette masse sculpturale moins élastique, plus musculeuse que d’habitude, où l'énergie du peintre se déverse. Le tableau est abstrait dans la composition. Les rapports entre les clairs et les obscurs, ici on pourrait presque parler de pleins et de vides, à ce détail près que tout dans l'œuvre de Jenny Saville a un poids. Elle est passée maître dans l'expression de l'élasticité tendue de chairs trop lourdes, qui distendent l'épiderme et subissent une gravité inexorable. Tout a un volume pesant, tout est doté d'un poids extraordinaire, d'une élasticité sollicitée à son point de rupture. L’autre particularité de cette œuvre - et Jenny Saville le souligne - est que le genre, ici masculin, est particulièrement présent, ne serait-ce que par l’aspect musculeux, comme la partie génitale traitée de manière très appuyée. D'où l'importance de l'échelle surdimensionnée qui domine le regardeur et accentue de manière spectaculaire le poids des chairs.

Figuration et abstraction:
« The creative act is an energetic act. » _ Jenny Saville.
Cette monumentalité conduit à voir ces corps comme des paysages, des masses où le geste pictural très expressif, voire abstrait, de Jenny Saville trouve à s’exprimer. C’est une autre des particularités du travail de cette artiste peintre, les compositions sont très graphiques. Le dessin, notamment des mains, des pieds, est souvent très détaillé. Les yeux sont rendus avec beaucoup de réalisme. Mais il y a aussi une touche complétement libérée et abstraite qui travaille les corps comme des paysages. D’autant plus que les dimensions permettent de parcourir de grandes masses de matière, « de chair picturale ».

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Les vanités et l’universalisation, les mères :
« It s not a linear way but a dream like way something fluid like the memory. » _ Jenny Saville.
Jenny Saville tente donc progressivement d’universaliser son propos. En effet, Il ne s’agit plus seulement de l’appropriation du corps de la femme en particulier mais de la corporéité en général.
On voit donc apparaître de nouveaux motifs : entre autres, les transsexuels avec « Passage » (2004), ou encore des torses d’animaux assez anthropomorphique, (un des archétypes des « vanités », notamment celle de Rembrandt dans « Le Bœuf écorché » (1655).
Un autre motif devient également récurrent : la maternité comme lien physique avec l’espèce. La gestation est abordée du point de vue de la mutation du corps, celui de la femme, comme celles du corps des enfants. D’ailleurs, Jenny Saville dit s'être sentie, lors de sa maternité, dans une relation primitive avec le genre humain, avoir connu une sorte de communauté primale, physique avec l'espèce humaine.
Apparaissent donc de nouvelles problématiques celles de représenter et la fluidité du temps, et les transformations dans la durée en un espace pictural unique, mais aussi le lien avec toutes les autres mères, les mères au sens strict comme toutes les maternités de l’histoire de l’art. « The Mothers » (2011) est assez emblématique de ce point de vue.

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Le pluriel du titre n’est pas innocent, Jenny Saville s’inscrit comme mère de ses enfants dans la chaîne des mères réelles, mais elle interroge aussi les représentations de la maternité à fil de l’histoire. Dans ces séries les portraits, les corps se démultiplient en autant de poses différentes qui se juxtaposent ou plutôt s’échantillonnent se « sample » l'une l'autre y compris avec la relation de l'artiste à l’histoire de l'art. Apparaît aussi des pendants masculins au modèle féminin, de petits garçons, le «père, et d’autres figures plus ou moins explicites, qui sont autant de questionnements de la chair, du genre, de l’espèce, de la bio-logie du corps.
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L’origine du monde:
Une œuvre plus ancienne, « Reflective Flesh » (2004) exprime assez bien cette affirmation du corps de la femme comme génératrice de vie, c’est notamment le cas dans cette œuvre, que certains ont assimilé à l’origine du monde de Courbet. On est pourtant très loin de l’aspect érotique et intimiste du ventre sans tête de Courbet. Ici effectivement tout est centré autour des parties génitales, du vagin précisément comme territoire de la femme. Le visage de Jenny Saville nous dévisage avec assurance et force comme revendiquant son corps tel qu’il est mais aussi comme porteur de vie. Il n’y a aucun érotisme, pas même d’exhibitionnisme dans cette toile, seulement l’affirmation de soi, de son corps de son lien au grand cycle des générations au sens strict.
Jenny Saville bien que toujours attachée à la question du genre et de la normalité semble vouloir universaliser l’objet de ses recherches, passant du genre à la corporéité, de la figuration d’un instant à l’introduction de la temporalité.

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Le nu photographique comme portrait. Carla van de Puttelaar.

Le nu photographique avec Carla van de Puttelaar devient portrait.


Alors que nous sommes abreuvés de beautés « botoxées » et « photoshopées » la photographe Carla van de Puttelaar nous révèle des femmes ordinaires qui s'exposent avec force dans leurs individualités. Ces photographies de Carla van de Puttelaar repoussent définitivement les "cover girls" au vide insidieux du marketing.

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Mais hormis la présence évidente de ces femmes nues, il y a aussi toute une sensualité qui joue avec les codes de la distanciation. En particulier la sensualité de l'épiderme dévoilée dans tout ce qui fait sa réalité perceptuelle pour chacun d'entre nous. La sensualité ce n’est pas ici une plasticité parfaite et lisse mais les légers déséquilibres de la silhouette ou encore et surtout les marques, imperfections, et granularité de la peau que la photographe s'emploie à mettre en évidence voire même à souligner ou ajouter au maquillage.
Ces corps blancs et apparemment éthérés ne le sont absolument pas en réalité. Bien que formellement abstraits ces portrait de femmes nues sont en vérité très individualisés, ceux sont de vraies singularités flottant dans un vide qui les isole y compris de la gravité. Ces singularités nues, ces personnes, ces femmes nues, sont comme l'Adam et Eve proches de basculer dans le péché de Cranach_ bien terrestres, hors de la perfection des origines. Ces corps singuliers ne sont pas purs, dénués de sexualité, sans désir ou durée, ils appartiennent et revendiquent avec grâce leur appartenance au temps présent, leur accord avec leur genre, la tranquille union avec la chair.

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Autre détail intéressant dans ces portraits de femmes nues, elles ferment les yeux. Certes, face à la nudité exposée, nous sommes en situation de voyeur, mais ces portraits de femmes n'alimentent pas cette relation. Ces corps singuliers sont ceux de femmes détendues, plongées dans leur propre monde. Elles sont là, notre regard ne les atteint pas, elles s'affirment et échappent à notre jugement.
Pourtant cette affirmation puissante et apaisée de soi nous séduit, ce n'est pas par voyeurisme mais par empathie.
C'est le paradoxe apparent des photographies de Carla van de Puttelaar, au premier coup de d'œil elles paraissent froides, quelque peu esthétisantes, en réalité elles sont concentrées sur les détails de ce qui fait un corps à savoir son épiderme, sa chair, son élasticité, sa résistance, son appartenance au temps.

"I am especially interested in the skin, the little moles, the sensations that give away somebody’s mood. The small delicate individual things, which make the true beauty of women." "I have pale skin, and my work has a strong autobiographical touch."
Carla van de Puttelaar,

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Thomas Ruff. L’image photographique ne serait-elle qu’un beau simulacre ?


Thomas Ruff et le corps même de la Photographie


Thomas Ruff (né en 1958),

a été l’élève de Bernd et Hilla Becher. Il a adopté de ses professeurs illustres la frontalité de la photographie et l’aspect « objectif ».
Bernd et Hilla Becher sont des tenant de « la nouvelle objectivité » héritée du Bahaus, dont Laszlo Moholy Nagy est l’illustre représentant. Ce dernier pensait que l’appareil photographique serait susceptible de donner une vision objective et sans affect de la réalité.

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En effet Bernd et Hilla Becher dans leur archivage d’une certaine architecture industrielle promise à la disparition, pensait _en adoptant une méthodologie stricte_ donner une vision objective. Ils ont donc procédé à la sauvegarde photographique de châteaux d’eau et autres structures industrielles en respectant une méthode unique et rigide, à savoir clichés par temps gris afin d’éliminer toute ombre, frontalité, format constant et prise de vue en noir et blanc.
thomas-ruff, photography, coneptual-art, art-contemporan, david-zwirner, portraits, 1988Thomas Ruff dés ces premières œuvres fit sienne cette méthode. Mais d’emblée il introduisit un caractère fictionnel à son travail, soit en reprenant des procédés existants qu’il détourne, soit en réutilisant des images existantes.
Pour Thomas Ruff la manière « objective » héritière du Bahaus n’est au fond qu’un « style ». Ses anciens maîtres lui reprochèrent immédiatement de ne pas travailler avec des orignaux et de tomber dans le mimétisme.
Or c’est précisément la marque de fabrique du travail de Thomas Ruff. L’œuvre de Thomas Ruff reprend l’idée d’archivage et d’archéologie de l’image mais en insistant toujours sur la part d’équivoque de toute fabrication d’image. Une image ne peut être détachée des son texte historico culturelle comme du procédé qui a permis de la produire.
Thomas Ruff se penche donc sur une multitude de procédés de création d’images. A chaque fois il les décontextualise et montre que toute image est une construction, d’une certaine façon une fiction. C'est une démarche commune à beaucoup dans l'art contemporain.
Les premières œuvres de Thomas Ruff sont par exemple la reproduction détournée d’éléments d’architecture banals, ou encore des clichés de photographies d’identité (1986/1991) géants à « voir » comme une négation de ce que devrait être un portrait, la représentation d’une personne. La série « Portraits » n’est qu’un style formel qui ne dit rien. Quant au contexte historique il n’est pas insignifiant puisque cette série a été crée à l’époque de la bande à Baader et du contexte hyper sécuritaire de l’époque.

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Depuis Thomas Ruff a exploré de très nombreux autres territoires.
La série « Jpeg » procède par « collection » d’images internet décortiquées pour ce qu’elles sont en tant que support : un ensemble de pixels. Thomas Ruff en réduit donc la définition en les compressant en fichiers de 100k pour ensuite en faire d’immenses tirages abstraits mais lisibles à la « bonne » distance.
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La série « m.a.r.s » est constituée d’images de la NASA (en téléchargement libre) retravaillées pour en changer l’angle apparent de perception, l’angle de prise de vue. On passe de panoramiques à des visions « perpendiculaires » à la façon d’une prise de vue standard.
La série « Sterne » réutilise des images de télescope.
La série « Cassini » est composée d’image se Saturne colorisées.
La série P.H.G réinvente les photogrammes de Art Siegel en s’inspirant également de Laszlo Moholy-Nagy. Mais Thomas Ruff ne procède pas manière traditionnelle en déposant sur la surface sensible des objets dont ne resteront que les ombres. Il crée tout un système à partir d’un logiciel 3D qui simule le procédé traditionnel.
Le trait commun de toute ces séries est évidemment la mise en exergue du medium lui même. Ce qui est représenté devient annexe. Pour parvenir à ses fins Thomas Ruff procède par « décontextualisation », emprunt, délégation, et réduction de l’image. Soit en exhibant le procédé en le réduisant à son plus petit dénominateur commun. Soit Thomas Ruff altère l’approche « objectiviste » en apportant un aspect esthétique étranger à l’intention initiale mais intiment lié au medium
Thomas Ruff sait bien que la belle innocence de Moholy Nagy n’existe plus. Avec l’ère numérique le doute sur l’authenticité c’est généralisé et est devenu banal. Thomas Ruff cherche par ses distanciations au représenté et son analyse au plus près du procédé technique à définir ce nouveau statut de l’image foncièrement factice. L’on pressent chez Thomas Ruff un étrange attachement à une catégorie esthétique si discréditée de la « beauté » intrinsèque de toute image en tant que pur médium.

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  “Most of the photos we come across today are not really authentic anymore. They have the authenticity of a manipulated and prearranged reality. You have to know the conditions of a particular photograph in order to understand it properly.” _Thomas Ruff.

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©Thomas Ruff
Courtesy galerie David Zwirner

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Youcef Korichi


Youcef Korichi,

Pratique une peinture de la suspension et de la concentration par le vide.
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A l'instar d'un Michael Borremans, Youcef Korichi cherche dans le sujet l'occasion de créer ce que Borremans appelle des nœuds, un sens qui se défausse tout en interrogeant et qui finalement nous ramène à regarder la toile, à savoir ce qui est posé dans l'espace pictural.
Pour ces deux peintres figuratifs, le sujet, par delà le mystère intriguant du motif, n'est autre que la peinture elle même.
La manière presque photo-réaliste est d'ailleurs très proche chez ces deux artistes. Une manière qui, à travers les accidents (réserves, glacis, coulures, empâtements) denie l'imitation qui pourrait sans quoi passer pour "académique".
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Autre point très significatif chez Youcef Korichi : la composition, qui s'inspire des cadrages photographiques, cette façon qu'à l'œil à travers l'objectif de voir autrement, non pas par synthèse mais par découpage, isolement, suivant des axes et des hauteurs qui n'ont jamais rien de naturels et contribuent à l'altérité de ce qui est vu, représenté.

A voir à la Galerie Eva Hober
Youcef Korichi. « Traverser le miroir ».
Du 5 septembre au 3 octobre 2015.

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La peinture figurative a-t'elle encore un motif !


Peinture figurative et le flux des images.

Les peintres figuratifs ne vont plus sur le motif. Soit le peintre s'inspire de photographies personnelles, voire de quelques coupures de presse, soit, et c'est devenu le plus fréquent, il utilise le réel « googlelisé » d'internet.
« La peinture sur le motif », devant le sujet de l'œuvre, revient bien souvent donc à glaner des images sur son ordinateur quitte à les imprimer, les retoucher et en faire son motif.
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Clement Valla | Galerie XPO.
Le peintre « de la vie moderne » d'aujourd'hui est donc presque essentiellement un peintre d'atelier, et l'on pourrait dire un peintre d'atelier numérique, connecté. Il travaille un réel de substitution : celui des images et des signes. Le réel peint est celui de l'ère numérique, un univers d'images sans certitude sur l'authenticité du référent.
Quand on examine le travail d'un peintre comme Michael Borremans, qui est un authentique peintre d'atelier qui monte des décors et utilise des modèles pour ses compositions, on s’aperçoit qu'il ne travaille pas directement depuis les esquisses de ses mises en scènes mais à partir des photographies qu'il en a prises. Le peintre de l'ère numérique - y compris ceux qui se revendiquent peintres d'atelier comme Borremans - éprouve le besoin de se distancier du motif, de son sujet concret. Parce que l'idée même d'imitation ou de reproduction directe n'a plus de sens, le travail de l'image peinte est comme une focalisation sur le fameux espace pictural que l’on retrouve chez Borremans, comme chez bien d'autres héritiers de la modernité.
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Michael Borremans
Il y a éventuellement et même fréquemment un sujet plus ou moins évident de l'œuvre, mais il n'y a pas de souci de véracité quant au réfèrent, lequel est malgré tout reproduit, mais non imité ni même traduit ou sublimé dans l'œuvre. Le sujet peint n'est pas le sujet. Il n'est qu'un prétexte au sujet de l'acte pictural. Quant au sens, il est le véhicule plus ou moins authentique/ironique qu'emprunte la subjectivité du peintre telle qu'il la vit dans la longue histoire de la peinture.
Beaucoup d’autres peintres utilisent le flux des images numériques sans même se donner la peine d'aller fouiller les archives ici ou là.
Claire Tabouret, parmi bien d’autres, emprunte des séries d'images sur le thème du costume, de l'apparat, comme représentant pour elle symboliquement le masque (l’uniforme) de la coercition contre laquelle certains se rebellent, notamment chez Claire Tabouret les enfants. Des enfants engoncés dans leurs costumes d'écoliers, de carnaval et qui nous dévisagent avec gravité, comme s’ils appartenaient à un autre monde pour nous dire précisément qu'ils ne sont pas que l'image normative de l'enfance.
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Claire Tabouret
Giulia Andreani pratique elle une peinture d'histoire, petite et grande histoire, qu'elle subvertit par l'ironie, la fragmentation de ces représentations idylliques et dérisoires du sens que l'a voulu donner à un moment « T » de l'histoire. Là encore il s'agit d'une peinture d'atelier élargie par l'ère numérique. Pas uniquement au sens où les images sont glanées sur internet mais aussi, et bien plus profondément, pour la polysémie du numérique ainsi que l'étrange tautologie de ces images souvent totalement déracinées de leur contexte. L’ironie contamine le sujet et donne prétexte à des dérives picturales qui n’ont d’autre justification que l’acte pictural et son inscription dans la geste des maîtres de la peinture.
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Giulia Andreani
Autre artiste peintre de l'atelier numérique, Sepand Danesh qui va jusqu'à construire ses compositions via des logiciels 3D afin d'en exploiter les défauts de textures, d'éclairage, d'angle de vision, ceci pour mieux servir un travail introspectif qui convoque des images de la mémoire familiale ou sociale. C’est un autre aspect de l’atelier numérique du peintre, plus littéral mais tout aussi inscrit dans la déterritorialisation de l’ère numérique.
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Sépànd Danesh
Aurore Pallet elle aussi utilise le numérique et ses images comme support à un long travail d'assimilation introspectif avant de passer à l'acte de peindre pour reproduire des fragments d’images qui sont telles des concrétions d’une mémoire sollicitée, reconstituée de rêveries éveillées.
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Aurore Pallet
Mais évidemment l'un de ceux qui a le mieux compris la nouveauté de ce flux d'images déterritorialisées est Gerhard Richter qui d'emblée a eu une approche ironique et obsessionnelle de l’image photographique.
Les peintres de la vie moderne à l'ère numérique sont non seulement des « peintres d'atelier », mais surtout des peintres d’un "réel" quasi virtuel. Ils décryptent, tous plus ou moins délibérément, la fuite du réfèrent, la tautologie des images sans auteur ni objet avéré. La modernité et les avant-gardes ont détaché l'art de l'intention imitative et du sens produit par les grandes catégories esthétiques, et ceci jusqu'au déracinement Duchampien de l'art comme objet en soi. Quant à l'ère numérique, elle a conduit la peinture à se voir, tout du moins la peinture figurative, comme une production d'images au même titre que les images omniprésentes de l'ère numérique. Avec cette particularité si étrange dans ce flux d'instantanéité, que la peinture est un mode d'expression lent, qui implique la durée, la pause et la reprise, l'analyse et le repentir.
La peinture figurative de la vie moderne numérique crée comme des arrêts, des échappées qui une fois livrées au flux des "regardeurs", du marché des media, deviendra à son tour une image instantanée sur laquelle certains s'arrêteront peut-être.


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