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mercredi 25 mai 2016

Julien Salaud


JULIEN SALAUD. Grottes et voutes celestes.




Julien Salaud, (né en 1977),


Conçoit depuis quelques années un bestiaire fantastique qui procède par hybridation.

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Il commença par des altérations et métamorphoses entre espèces ou/et en associant au naturel l’artifice par le truchement de parures liés à l’artisanat humain, des bijoux notamment. Ces chimères sont autant de concrétisations du désir de Julien Salaud de donner corps à ce qui ne peut être classé. Les chimères sont des exceptions à la règles et font taire notre raison, tout en mettant en échec les conventions existantes.

Une autre caractéristique de l’œuvre de Julien Salaud est le soin apporté aux détails, la profusion minutieuse qui semble vouloir mimer l’inventivité dont est capable la nature dans certains détails
organiques, en particulier dans les enveloppes/carapaces/peaux/plumages qui contiennent, isolent et protègent l’organisme. L’influence de Kiki Smith est plus que probable dans ces procédés ornementaux qui soulignent la fragilité de la vie.

Puis le cocon à fait son apparition, biches et cerfs se sont vus couverts de clous sur lesquels sont tendus des fils qui finissent par créer une enveloppe arachnéenne ou une sorte d’exosquelette géométrique, abstraction de la pensée, schémas mentaux et animaux empaillés se mêlent dans de nouvelles créatures qui sont ou prisonnières ou promises à une transformation prochaine quand le cocon laissera échapper la chrysalide.





Plus récemment Julien Salaud inspiré par les études de Chantal Jègues-Wolkiewiez, (selon cette ethnologue et astronome les peintures pariétales de la grotte de Lascaux seraient des représentations de la voute celeste), transcrit cette théorie dans des installations in situ développant la representation de la Nature comme évocation du ciel nocturne.

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Il en ressort des narrations mystérieuses et féériques qui dans les cas des installations les plus ambitieuses, comme à la Résidence Ackerman, aboutissent à des parcours quasi initiatiques.

Julien Salaud dit lui même dans une interview que l’art à tout d’abord été un refuge pour lui, comme l’était également sa relation aux animaux et que l’ex-position de ses œuvres a été comme un rite de passage d’une attitude ego-centrée à un dialogue avec le monde dans toutes ses dimensions.

C’est ce qui frappe dans le parcours de Julien Salaud, à savoir le passage de pièces qui donnent corps à ses névroses personnelles, via des hybridations improbables, vers des expériences collectives, qui s’efforcent d’être immersives en utilisant un mélange subtil entre les obsessions égotistes et un discours émotionnel plus ample.

Pour Julien Salaud grottes et voutes célestes (une autre image de la grotte d’ailleurs), sont comme autant de lieux ou les rites de passage peuvent prendre place.

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La rivière celeste de la résidence Ackerman est visible jusqu’en 2017.

L’explication de Julien Salaud concernant ces installations “stellaires”, c’est ici.


Et une autre interview de Julien Salaud, tout en simplicité et intelligence, c’est ici.



Voir aussi


David Altmejd. Artiste et entropie.

Claire Morgan.

Chiharu Shiota.



©Julien Salaud.

Courtesy galerie Suzanne Tarasieve.

Courtesy Palais de Tokyo.



mardi 24 mai 2016

Marlene Dumas. Figure et figures.


Marlene Dumas, (1953/),


La peintre hollandaise d’origine sud africaine n’est préoccupée que d’une chose la figure.

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Marlene Dumas a presque essentiellement fait durant toute sa carrière que des portraits, des vanités, des masques anthropomorphes ou des personnages en pied.

Bien que ne se souciant que de la figure humaine elle ne travaille pourtant pas d’après modèle. Les principales sources d’inspiration de Marlene Dumas sont d’origine photographique. Ce qu’elle extrait du flux des images, catalogues, presses ou autres porte presque toujours sur de grands thèmes universels, la mort, le sexe, la solitude. Cependant la connotation historico-politique est fréquemment présente et contextualise ces grands thèmes ou ce sont ces cas particuliers qui sont universalisés, selon…

Cependant pour Marlene Dumas la figure est un sujet propre à la peinture, et ces grands et petits sujets si ils ne sont pas sans importance, n’en sont pas moins que le prétexte sincère ou purement
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occasionnel pour se livrer à l’exercice de coucher sur du papier ou sur une toile une figure. Et cette figure comme elle le dit elle même, cette figure, dans le temps de l’execution, ne va pas de soi. En effet pour Marlene Dumas, la figure ne tient pas d’elle même dans le cadre limité de la feuille ou de la toile. La figure est: ou emprisonnée, ou s’échappe, ou ne trouve aucune place dans le cadre et c’est ce qui motive, pousse Marlene Dumas à reprendre ce motif.

C’est aussi pourquoi Marlene Dumas s’efforce dans la réalisation de  ces figures de les peindre dans un temps court, quitte à y revenir “rapidement” durant plusieurs mois ou années. Il y a toujours une grande énergie pour ne pas dire presque brutalité, dans la touche de Marlene Dumas.

L’aspect expressionniste et très brut, voire quasiment bad painting, de son œuvre trouve son origine dans cette approche très concentrée.

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Si la figure est représentée dans une gestuelle rapide, et si pour Marlène Dumas l’objet est avant tout plastique, elle n’en est pas moins soucieuse de la justesse de sa figuration par rapport au sujet.

C’est un des autres aspects de son œuvre, dans la relation au sujet elle tente d’être juste sinon fidèle. Il y a la part subjective, c’est à dire la part de névrose qui se dépose dans l’œuvre via le prétexte du sujet mais il y a également un désir d’être “juste” humainement, moralement par rapport à lui.

La balance n’est évidemment pas toujours équilibrée. Parfois le fantasme prend le dessus. Mais lorsqu’il s’agit de portrait ou de sujet à connotation politique on constate aisément que Marlène Dumas fait montre d’une forme de respect.

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Concernant la sexualité, là on voit bien que l’équilibre devient plus précaire, l’on oscille de la fascination, plus ou moins morbide, à la révolte d’une femme face aux representations dominantes du nu féminin, en passant par l’humour noir ou la dérision.

Comme Jenny Saville et bien d’autres artistes femmes Marlene Dumas rejette l’esthétisme du nu féminin et souligne à quel point le corps, le désir, et le sexe de la femme échappent dans sa réalité crue aux conventions. Ce qui peut paraître choquant dans ses aquarelles à caractère ouvertement sexuel n’est jamais que le reflet du conformisme de celui qui regarde. Il y a en outre une volonté évidente de provocation puisque que les images photographiques ayant servies de source d’inspiration sont parfois extraites de publications pornographiques tout spécialement normatives.

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Entre ses portraits-masques, ses figures bancales parfois presque calligraphiques,  ses nues organiques, crus et quelque fois provocateurs, et ses vanités cabossées, Marlene Dumas donne malgré sa démarche concentrée sur la figure comme sujet presque exclusif une vision du monde pas si noire que cela, c’est un peu comme une farce grotesque et cataleptique. C’est sombre mais joyeux !

En effet, Marlene Dumas, qui s’amuse de l’étonnement des gens à découvrir lors de ses interview qu’elle parait bien moins depressive que ce qu’elle représente dans ses œuvres, fait preuve de beaucoup de dérision et d’humour dans ses sujets. Si le ton général n’est évidemment pas à la gaité, la noirceur expressionniste est plutôt un parti pris plastique et une forme  de constat lucide face à la cruauté de l’histoire et l’indifférence de l’Univers.

C’est avec virulence plastique en se concentrant presque exclusivement sur son métier et ses problématiques spécifiques qu’elle délivre finalement une vision plus large.




Marlene Dumas est représentée aux US par:

David Zwirner gallery.



Voir aussi

Jenny Saville

Katinka Lampe

Sarah Lucas.



©Marlene Dumas.

Courtesy galerie David Zwirner.


KAREL APPEL | Un humanisme barbare.

| KAREL APPEL | 


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Karel Appel, 

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C’est une peinture qui tente la voie de l’immédiateté sans s’encombrer du débat dominant de l’époque, les années 50, entre figuration et abstraction.

L’immédiateté c’est pour Karel Appel l’impulsivité, le geste qui prime sur l’idée, y compris et surtout contre toute forme de dogme qui pourrait brider cette énergie.

C’est ce qui a défini le bref mouvement Cobra (COpenhague, Bruxelles, Amsterdam) qui n’est d’ailleurs pas un mouvement isolé.

En effet, bien d’autres mouvements en ont appelé au retour au primitivisme, à l’art brut, l’art naïf dépouillé de l’intellectualisme occidental qui a assisté médusé à deux guerres qui furent comme des homicides de l’humanité elle même.

Le mouvement Cobra revendique, veut retrouver la naïveté prétendue et fantasmée du sauvage. Le mouvement Cobra est donc aussi bien tributaire du surréalisme pour l’appel à l’inconscient que de l’expressionnisme pour sa brutalité, son désespoir.

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Ce courant d’un art plus physique est général dans les années 50: Action Painting, Gutai, etc. Cependant la revue Cobra n’aura duré qu’une année, or Karel Appel a été rangé définitivement sous cette bannière. L’un des buts de cette rétrospective au Centre Pompidou était précisément de montrer de Karel Appel autre chose que la manière Cobra.
Pas d’huile dans cette exposition, il est donc bien difficile de voir la différence avec ce qui caractérise pour tout un chacun le style Cobra de Karel Appel, à savoir des mouvements amples, violents et rapides dans une matière picturale aussi épaisse que la gangue originelle.
Par contre on pouvait voir beaucoup de pastels, dessins, fusains, etc.
Effectivement on découvre un Karel Appel relativement nouveau. C’est toute une mythologie personnelle échafaudée autour des grands mythes scandinaves qui apparait. Mythologie constituée d’un bestiaire d’animaux aux formes archaïsantes et de divinités orgiastiques. Mais il y a aussi tout un imaginaire de l’enfance, ou plutôt qui s’inspire de l’âge encore vierge de toute culture. Car ces representations “naïves” ne sont absolument pas enfantines, elle sont hantées par la violence et la cruauté des hommes. Les visages grimacent, les corps sont contorsionnés, à l’image des bas reliefs médiévaux figurant la tentation et les enfers.

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L’expressionnisme sauvage de Cobra est donc bien là mais avec un contenu recurrent, un système d’éléments narratifs ou plutôt d’une iconographies celebrant ce qu’il y a de plus viscéral chez l’homme. C’est en quelque sorte plus structuré que les huiles tumultueuses que l’on connait de Karel Appel, mais l’aspect régressif (revendiqué) et barbare (étranger), voulant échapper au formatage culturel persistent.

Ce n’est pas étonnant, et c’est ce qui fait la force de cette œuvre qui veut se dépouiller autant qu’il est possible et exprimer une sorte d’humanisme lucide et fondé sur l’empathie.

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Voir aussi:

Miquel Barcelo

Gutaï

Ronan Barrot





©Karel Appel.

Courtesy Centre Georges Pompidou.