Peinture figurative et le flux des images.
Les peintres figuratifs ne vont plus sur le motif. Soit le peintre s'inspire de photographies personnelles, voire de quelques coupures de presse, soit, et c'est devenu le plus fréquent, il utilise le réel « googlelisé » d'internet.« La peinture sur le motif », devant le sujet de l'œuvre, revient bien souvent donc à glaner des images sur son ordinateur quitte à les imprimer, les retoucher et en faire son motif.
Clement Valla | Galerie XPO. |
Quand on examine le travail d'un peintre comme Michael Borremans, qui est un authentique peintre d'atelier qui monte des décors et utilise des modèles pour ses compositions, on s’aperçoit qu'il ne travaille pas directement depuis les esquisses de ses mises en scènes mais à partir des photographies qu'il en a prises. Le peintre de l'ère numérique - y compris ceux qui se revendiquent peintres d'atelier comme Borremans - éprouve le besoin de se distancier du motif, de son sujet concret. Parce que l'idée même d'imitation ou de reproduction directe n'a plus de sens, le travail de l'image peinte est comme une focalisation sur le fameux espace pictural que l’on retrouve chez Borremans, comme chez bien d'autres héritiers de la modernité.
Michael Borremans |
Beaucoup d’autres peintres utilisent le flux des images numériques sans même se donner la peine d'aller fouiller les archives ici ou là.
Claire Tabouret, parmi bien d’autres, emprunte des séries d'images sur le thème du costume, de l'apparat, comme représentant pour elle symboliquement le masque (l’uniforme) de la coercition contre laquelle certains se rebellent, notamment chez Claire Tabouret les enfants. Des enfants engoncés dans leurs costumes d'écoliers, de carnaval et qui nous dévisagent avec gravité, comme s’ils appartenaient à un autre monde pour nous dire précisément qu'ils ne sont pas que l'image normative de l'enfance.
Claire Tabouret |
Giulia Andreani |
Sépànd Danesh |
Aurore Pallet |
Les peintres de la vie moderne à l'ère numérique sont non seulement des « peintres d'atelier », mais surtout des peintres d’un "réel" quasi virtuel. Ils décryptent, tous plus ou moins délibérément, la fuite du réfèrent, la tautologie des images sans auteur ni objet avéré. La modernité et les avant-gardes ont détaché l'art de l'intention imitative et du sens produit par les grandes catégories esthétiques, et ceci jusqu'au déracinement Duchampien de l'art comme objet en soi. Quant à l'ère numérique, elle a conduit la peinture à se voir, tout du moins la peinture figurative, comme une production d'images au même titre que les images omniprésentes de l'ère numérique. Avec cette particularité si étrange dans ce flux d'instantanéité, que la peinture est un mode d'expression lent, qui implique la durée, la pause et la reprise, l'analyse et le repentir.
La peinture figurative de la vie moderne numérique crée comme des arrêts, des échappées qui une fois livrées au flux des "regardeurs", du marché des media, deviendra à son tour une image instantanée sur laquelle certains s'arrêteront peut-être.