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mardi 26 mai 2015

BRUCE NAUMAN | Fondation Cartier.

BRUCE NAUMAN | Fondation Cartier.


« Fondamentalement, mon œuvre est issue de la colère que provoque en moi la condition humaine. Ce qui me met en fureur, c’est notre capacité de cruauté, la faculté qu’ont les gens d’ignorer les situations qui leur déplaisent. Ce qui me fascine aussi, c’est de voir comment la colère ordinaire, et même la haine que l’on peut ressentir pour quelqu’un, se transforme en haine culturelle. » _ Bruce Nauman.


bruce-nauman, anthro

Bruce Nauman, Anthro / Socio (1991).

A deux pas de la fondation Cartier, dans la rue Emile Richard qui longe le cimetière Montparnasse, il y a quelques SDF - mot bien aseptisé qui ôte jusqu’à la misère au clochard - certains alcoolisés maugréent, braillent des insultes ou vous lancent des regards torves. Ces invectives sonnent comme autant d’appels, des « feed me ! » « Help me ! » « Eat me ! » « Hurt me ! », etc. dont l’installation de Bruce Nauman est comme le reflet glacial et minimaliste dans un édifice tout aussi acéré de la culture. Voilà à quoi fait penser cette installation, en çela elle a probablement réussi puisqu’elle nous interpelle. En effet, la pièce consiste en un concert vociférant et répétitif d'appels à l'aide d'un homme au visage crispé et projeté tantôt à l'endroit, tantôt à l'envers.

bruce-nauman, carrousel
Bruce Nauman, Carrousel.
Le carrousel, installé de façon apparemment saugrenue dans la même salle que Anthro / Socio, s’y trouve finalement après réflexion bien à sa place. Ce manège morbide d’animaux suspendus par le cou et traînant leurs pattes arrières sur le sol au point d’y laisser une trace dérisoire vient bien en complément des appels désespérés et primaux de l’installation Anthro / Socio. Dans leur cercle mécanique de mort, ils sont tout aussi isolés et désespérants.
bruce-nauman, untitled
Bruce Nauman, Untitled, (1970/2009).
Dans la dernière salle, une installation de prime abord plus légère : deux danseuses se tenant par les mains tentent de tourner par la seule force de leur corps autour de l’axe d’une horloge schématisée par plusieurs cadrans. Mais elles ne parviennent pas à se synchroniser et leur efforts répétés semblent voués à l’échec. Eternel retour, mort et temporalité, impermanence, fatigue, éloignements et agrippements, unions, désunions sont autant d’images de notre condition dédoublée et répétée en deux projections également désynchronisées. Il s’agit probablement de la pièce la plus subtilement dérangeante pour peu que l’on s’y attarde.
bruce-nauman, rogers
Bruce Nauman, Mr Rogers, (2013).
Quant à la pièce du rez-de-chaussée, elle est de la même veine. La pièce consiste en une installation vidéo mettant en scène le jeu répété qui consiste à tenir trois crayons par les seules extrémités de leur mine, apprentissage, échec et recommencement, mais heureusement le chat, Mr. Rogers, remet un peu d’ironie là-dedans !Finalement si on le temps de s'imprègner, ces quatre installations sont saisissantes et constituent un discours muet particulièrement efficace.

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MARKUS LUPERTZ | Musée d'art moderne, Paris, France.

Rétrospective Markus Lupertz au musée d'art moderne

Markus Lüpertz (né en 1941 à Reichenberg/Liberec)

Lüpertz est affilié aux néo-expressionismes allemands, même si une grande partie de son œuvre échappe à cette catégorisation trop réductrice. Son œuvre se caractérise par un dialogue incessant entre la figuration et l'abstraction dans une manière très enlevée, très expressive, avec le souci de préserver la peinture en tant que telle.

On distingue plusieurs grandes périodes chez Lüpertz avec un "vocabulaire" (casques, épis de blés, etc.) constant qui joue comme une trame sérielle se développant dans des "genres" variés.

La période des "peinture dithyrambiques" pousse la figuration vers l'abstraction en réduisant celle-ci à des formes simples monumentalisées.

Puis il reviendra vers une figuration plus faussement littérale avec les "motifs allemands" qui interrogent ironiquement l'histoire allemande.

Finalement, il abordera avec distanciation formelle et discursive des thèmes mythologiques puis les grandes œuvres de l'histoire de l'art (Goya, Velázquez, Poussin, Matisse, etc.). Ces motifs sont traités comme une iconographie décontextualisée prétexte à une déstructuration formelle répétant encore et toujours la tension entre figuration, « formalisme » et abstraction.

Artiste exceptionnel à découvrir ou re-découvrir au MAM.

markus-lupertz

L’œuvre de Markus Lüpertz est à la fois Pop Art par le choix du motif, c'est à dire souvent un élément banal issu de la société de consommation de masse et traité comme une icône. Mais c’est aussi un retour surprenant _ servi par une manière expressionniste_ au cubisme par la géométrisation et l'amplification des ombres et modelés qui donnent à l'objet iconique un caractère monumental, d'autant plus qu'il est extirpé de tout contexte.On est donc bien dans « l'espace pictural » qui n'imite pas mais dialogue avec lui même. Les détails sont également abordés comme désolidarisés et presque totalement abstraits dans la touche et le mouvement de peindre, qui ont bien pour finalité la peinture pour la peinture et non la représentation.L’un des caractères si particulier de cette œuvre est aussi la tension entre une figuration tendant à l’abstraction et une abstraction (expressionniste) servant la figuration, l'une contenant l'autre et faisant exploser le motif.Un des autres aspects si étonnant du travail de Lüpertz est l'évidente part narrative ou plutôt signifiante, ne serait ce que par les titres, mais aussi par l’appel à l’histoire de l’art et les objets iconiques représentés. Cependant ce « discours » pictural sous-jacent est plein d'ironie, voire de provocation et semble chercher à nous égarer dans des poncifs explicatifs ou de la simple redondance verbeuse. Commenter est à la fois trop simple, évident, pernicieux et finalement vain. La force des icones signifiantes : la casque, la guerre, la masculinité, ou encore la banalité façon Pop Art, ou le référent historique ressemblent donc à des impasses critiques. Le message se disqualifie donc lui même par sa trop grande évidence pour finalement se dissoudre dans la seule chose qui occupe l'œuvre son ex-pression, sa puissance formelle issue de la tension entre les gestes de l'abstraction expressionniste, le détail réduit à sa forme, sa masse colorée et des compositions très architecturées bien que dépouillées.

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