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mercredi 11 mars 2015

| ANTONY GORMLEY | SECOND BODY | Les corps abstraits.


Les "corps abstraits".






"Ce dont nous pouvons être sûrs, c’est que nous avons un corps et une conscience. Ce terrain commun de l’incarnation est le point de départ du véhicule de mon art. Nous avons tous un corps, c’est la condition matérielle pour être un humain." Gormley.



C'est une des particularités paradoxales du retour à la statuaire dont fait partie Gormley. En effet l’artiste s’oppose à toute représentation et toute narration tout en voulant parler et donc « figurer » l’Homme, ou plutôt le corps humain.
Pourtant, les corps sculptés de Gormley figurent l'Homme sans sexe, rarement ou tout du moins pas représenté comme le signe d'un genre mais plutôt comme une des fonctions du corps. Ces corps abstraits sont aussi sans visage ni action.

Cependant, l'artiste ne cesse de clamer qu'il veut réconcilier l'art avec le corps social, revenir à ce lien que la modernité a rompu par son abstraction, son minimalisme et au final son élitisme.

Les sculptures de Gormley sont pourtant bien des "corps abstraits", des Kouroï, qui ne figurent plus des dieux, des principes de la nature, mais l'idée que l’artiste se fait de la place de l'homme dans le monde physique et tout spécialement telle que la physique atomique se la représente.
L'Homme ou plutôt le corps humain sans action, ni affective, ni sociale, appartient pour Gormley au réseau, aussi bien le réseau des autres corps humains dans les relations sociales que le corps humain tel qu'il est pris dans le champ de la physique subatomique.
Gormley va néanmoins encore au delà en évoquant les tibétains qui voient la conscience comme logée dans l'infinité obscure de nos propres corps.

Cette démarche aboutit à des formes verticales, soit massives et cubiques, soit au contraire de structure filaire presque issue de l'imagerie populaire de Matrix. Pour Gormley nous appartenons à des matrices, sociales, telluriques ou subatomiques.
Les « corps abstraits » de Gormley ne représentent rien, ne racontent rien, sinon leur présence physique, mais tout de même réinterprétés suivant la conception matricielle de Gormley, attendent donc impassibles notre interaction.

Ces "corps abstraits", ces masses verticales sont comme des points finis qui marquent l'espace et figent le temps. C'était une des fonctions des Kouroï  qui n'ont jamais été des représentations de personnes mais des offrandes aux dieux ou des bornes érigées en souvenir d'un défunt pour lutter contre le temps de l'oubli en nous conviant à nous arrêter en un point spécifique de l’espace : l’autel.
Gormley attache une grande importance à cette fonction de la sculpture, marquer d'une verticale en un point précis et localisé, fini,  l'espace horizontale et infini. Ces sculptures sont des marqueurs/totems qui attendent notre interaction.

Or la pièce "Extension Field" composée de multiples cubes en fonte et disposés de manière non linéaire, évoque cette fonction. Ces totems anonymes marquent le lieu et arrêtent le temps en une pause interactive avec le visiteur.
En outre la massification des corps abstraits, leur répétition avec de subtiles variantes, crée des vides et des pleins où se déplacer, où notre corps se meut. C'est la grande force de cette œuvre et notamment de cette exposition, « Second Body ».

Soit on est aveuglé  par ces masses sombres et on ne voit pas au delà des rangées de Kouroï impassibles et massifs, notre regard et notre corps doivent donc se faufiler entre eux. Soit au contraire on voit à travers la structure filaire qui "figure" une structure subatomique et on perçoit à travers la matière, on voit les autres observateurs/spectateurs/visiteurs.

Ou encore on déambule parmi des silhouettes faites d’amoncèlements de cubes en déséquilibre qui troublent notre vision en donnant l'impression de voir une silhouette à travers une brume de chaleur ou sur un écran d'ordinateur sous forme de pixels surdimensionnés.


"De nos jours, l’art est moins une affaire d’objets que d’événements. Ce qui compte, c’est ce qui se produit quand nous pénétrons dans l’espace de l’art. Alors oui, je veux le corps, mais je le veux ouvert, pas fermé ; vierge de toute marque sociale ou des gestes d’une séquence narrative. Ce corps abstrait fait mieux que l’abstraction pure car il peut véhiculer des affects." Gormley.



Galerie Ropac, Pantin : http://bit.ly/1F0UhPF
Site de l'artiste : http://bit.ly/1F0UmD1

L'art en vue. Art sighting ! http://bit.ly/1DcH3zJ

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