Art contemporain et temporalité
Le temps existe en peinture à travers soit la narration (Figuration libre/narrative) mais aussi le temps de la création ou encore dans le geste, l’action (Pollock) et son opposé la méditation (Rothko) et la contemplation qu’elle suscite.
Dans le registre des installations, c’est-à-dire au fond la création prenant possession de l’espace par delà le cadre, le temps devient plus évident à suggérer de par les possibilités de mouvements propres à l’œuvre ou à l’interaction du « regardeur » devenu acteur de la pièce.
Quant à la photographie elle est par essence aux prises avec le temps dans des sens très variables : celui de la prise de vue, de l’événement capté, par son rapport à l’histoire collective ou individuelle.
La sculpture qu’elle soit mobile ou statique a toujours quant à elle été confrontée au temps de par sa présence physique et son ex-istence dans le continuum espace/temps. La sculpture au même titre que l’architecture se confronte physiquement au passage du temps à l’image d’une marque, d’un totem spatial marquant un temps.
L’art contemporain a fréquemment abordé cette problématique du temps.
Cet article se découpera en plusieurs sections dont voici la première.
LES ARCHEOLOGUES DE L'ART CONTEMPORAIN :
Sugimoto l’entomologiste de l’uchronie :
Theaters :
L’ère du divertissement vidée de l’humanité qui l’a produite, ne demeure que l’architecture éphémère et la lumière.
Dioramas :
Une archéologie sous forme d’uchronie au sens propre, étymologique comme au sens courant. Sugimoto en utilisant la photographie qui entretient un rapport consubstantiel avec le temps cherche de manière systématique, sérielle à découvrir ce qu’il y avant et après l’homme dans un jeu distancié et ironique avec le factice, la redondance, le simulacre, ici des animaux naturalisés qui donc ne sont plus mais qui paraissent plus vrais et vivants que nature. L’uchronie est donc double, un non-temps, et ce qui aurait pu être si…
Seascapes :
La trilogie de l’eau, l’air, l’horizon et le temps qui a vidé des lieux si fréquentés par les humains, les baigneurs, les touristes, le promeneurs de toute présence, ne reste qu’un tableau minimaliste des éléments faisant évidemment référence à Rothko que Sugimoto évoque fréquemment. Là encore une étrange archéologie qui exhume par soustraction.
Portraits :
Dans la série « portraits, Sugimoto a photographiés des mannequins de cire en reproduisant par le truchement de la lumière et un niveau de détail stupéfiant des références de l’art de la renaissance flamande, donnant ainsi l’illusion d’avoir reproduit un tableau de grand maître alors qu’il ne s’agit que d’un double simulacre. Hormis la mise en cause classique de l’image Sugimoto sollicite l’attention du regarder afin qu’il discerne l’illusion pour ensuite se plonger à travers le temps qu’il a consacré à l’observation dans la meditation de ce jeu de miroir faisant intervenir plusieurs temporalités où tout se révèle impermanent et incertain, l’entomologiste Sugimoto est au sommet de son art et de son observation cruelle de l’humanité confronté au temps, à l’incertitude.
Rauschenberg ou la paléontologie du contemporain.
Rauschenberg dans ses combine-painting se livre non seulement à une critique de l’ère de la consommation de masse mais agit comme un paléontologue qui exhume dans les détritus de la civilisation moderne l’accélération de l’impermanence à travers la capitalisme débridé. Cette fixation des rejets dévalués, massifs est en un sens une relation critique au temps immédiat sous forme de constat mais aussi une sorte de relevé quasi archéologique.
Tony Cragg.
Le travail de Tony Cragg s'inscrit dans l'héritage des néo-dada, il a commencé par utiliser comme matériaux de ses sculptures des objets banals, des rebuts de l'ère de consommation de masse mais procédant par typologie et similitude à l'instar d'un tri presque scientifique, une archéologie du quotidien.
Après une période figurative l’œuvre de Tony Cragg est devenue plus abstraite composée essentiellement d'accumulations de volutes et de strates aboutissant à des formes très organiques où l’on peut voir l’héritage de sa formation scientifique dans l’aspect gordien, quasi magmatique, ces formes paraissant presque comme produites par une formule mathématique, mais aussi une paléontologie imaginaire.
Marion Davout le temps en lambeaux.
Marion dans ses œuvres exposées à Créteil se livre à une fixation de temps juxtaposés, la toile fixe des avant et des après sous les formes de lambeaux de réalités provenant du passé et de l’avenir, le présent étant probablement suggéré par les espaces non « vides », la simultanéité de la narration/figuration produit un espace pictural déchiré, en lambeaux qui sont prétexte à une archéologie déroutante des traces de la mémoire.